Malgré des résultats historiques, pourquoi la Bourse sanctionne Hermès

Le 21 février 2022

Par Thiébault Dromard le 21.02.2022 à 16h41 Lecture 4 min. ABONNÉS

Hermès a présenté les meilleurs résultats de son histoire mais le titre a chuté vendredi de 4%. Les marchés sanctionnent la baisse du chiffre d’affaires de la maroquinerie qui n’arrive plus à suivre la demande. Le modèle artisanal a-t-il atteint ses limites?

C’est le paradoxe d’Hermès. Les résultats de l’entreprise ont beau être exceptionnels, les marchés ont sévèrement sanctionné l’entreprise vendredi 18 février lors de la présentation des résultats de l’année 2021. Alors que le sellier présentait les meilleurs résultats de son histoire depuis 185 ans, le titre Hermès a dévissé de 4,1% après avoir perdu jusqu’à 8,4% en séance. Pourtant l’entreprise aligne des scores inégalés : les ventes ont bondi de 41% à 9 milliards d’euros et la marge atteint un niveau historique à plus de 39% du chiffre d’affaires, tandis que son résultat net croit de 77% à 2,4 milliards d’euros.

Mais, victime de son succès, Hermès n’arrive plus à servir ses clients. Le phénomène est connu: depuis plus de dix ans déjà, le sellier est confronté à une forte demande et établit des listes d’attente. Or, depuis 2019, la croissance a doublé. Les stocks sont totalement épuisés depuis septembre dernier. Conséquence: le chiffre d’affaires du segment maroquinerie a chuté de 5,4% au dernier trimestre, et c’est cette contre-performance que le marché sanctionne, ainsi que l’incapacité de l’entreprise à anticiper cette demande. « Le marché s’attendait au pire à une croissance nulle », remarque Arnaud Cadart, gérant chez Flornoy. Certes, les malheureux clients qui n’ont pu s’offrir un sac à Noël ont pu se rabattre sur d’autres produits (ce qui expliquerait d’ailleurs le chiffre record de la bijouterie). Mais certains sont allés remplir les caisses de marques concurrentes comme Dior, Vuitton ou Chanel.

Vuitton et Hermès, deux modèles aux antipodes

A travers cet épisode boursier, c’est tout le modèle d’Hermès qui est mis en lumière. La famille à la tête de cette entreprise (deuxième fortune professionnelle de France selon notre classement 2021) a toujours privilégié la valeur sur le volume, le long terme sur le court terme. Hermès est très attaché à son caractère artisanal: la confection d’un sac demande une quinzaine d’heures de travail. Un modèle aux antipodes de celui de Vuitton dont »environ 75% des opérations sont mécanisées », affirme Arnaud Cadart. Vuitton dispose d’autant d’ateliers qu’Hermès, mais son chiffre d’affaires en maroquinerie est trois fois plus important que celui de son concurrent. Hermès enregistre un chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros en maroquinerie, tandis que celui de Vuitton sur le même segment est estimé autour de 12 milliards d’euros aujourd’hui. 

400.000 sacs fabriqués par an

Un maroquinier chez Hermès fabrique un sac entièrement. Il n’y a pas dans cette maison de parcellisation des tâches. La mécanisation reste extrêmement limitée et la formation des futurs maroquiniers est chronophage. Former un artisan prend près de dix-huit mois et quand un artisan en forme un autre, c’est autant de temps qu’il ne consacre pas à la fabrication d’un sac. « Les artisans consacrent environ 10% de leur temps à la formation.Chez Hermès, les 4.500 artisans producteurs réalisent environ deux sacs par semaine et par personne, soit 400.000 par an », détaille Arnaud Cadart.

Un volume qui ne suffit plus à répondre à la demande. Pourtant, la maison construit un nouvel atelier par an qui lui permet à date d’augmenter sa production de 7% par an. Hermès comptera bientôt vingt ateliers en France accueillant chacun environ 280 salariés. « C’est la taille idéale pour que chacun se connaisse par son prénom », a coutume de dire le gérant Axel Dumas, qui a créé plus de 6.000 emplois depuis qu’il a pris la direction de l’entreprise en 2013. En attendant, les sacs d’occasion, immédiatement disponibles, se vendent plus cher que les neufs. Un ultime paradoxe.